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Ce n’est déjà plus un secret pour personne – même si le discours public et en particulier celui des grands médias s’obstinent à l’ignorer – en France, aujourd’hui, les malades mentaux sont dans la rue, pauvres parmi les pauvres, exclus parmi les exclus. Ce n’est plus un secret pour personne – surtout pas pour les bénévoles des associations venant en aide aux SDF – mais personne n’ose véritablement en souffler mot parce que le mal s’est banalisé.
Ce n’est déjà plus un secret pour personne – même si le discours public et en particulier celui des grands médias s’obstinent à l’ignorer – en France, aujourd’hui, les malades mentaux sont dans la rue, pauvres parmi les pauvres, exclus parmi les exclus. Ce n’est plus un secret pour personne – surtout pas pour les bénévoles des associations venant en aide aux SDF – mais personne n’ose véritablement en souffler mot parce que le mal s’est banalisé.
Cette présence de la maladie mentale parmi les grands exclus mérite pourtant qu’on s’y attarde. Il est vrai que la rue est productrice de troubles mentaux, comment pourrait-il en être autrement ? « La rue détruit, explique par exemple le psychiatre Jacques Simonet, qui a été longtemps le responsable du Smes 1 à l’hôpital Sainte-Anne à Paris, elle annihile les capacités relationnelles pour ne laisser place qu’aux besoins existentiels. Dans la rue, on ne vit pas, on survit dans l’instant ; la mémoire est occultée, on sombre dans l’autisme. » Xavier Emmanuelli, le fondateur du Samu social, parle de son côté du « processus d’asphaltisation, dans lequel on renonce jusqu’à sa propre image ». Patrick Declerck, dans son livre Les Naufragés, évoque cette plongée dans la pathologie de la rue : « Non contente de les rejeter hors du monde du travail et de ses bénéfices, écrit-il, de les condamner à des existences lamentables, de les vouer à souffrir dans leur chair de la malnutrition et de misères physiologiques qui appartiennent au xixe siècle, la puissance mortifère de l’exclusion est telle qu’elle s’intériorise au cœur même de certains sujets, qui deviennent alors leurs propres bourreaux en recréant inconsciemment les conditions renouvelées de leur propre exclusion. »
C’est donc bien la rue qui crée la pathologie mentale et non l’inverse, contrairement à ce qu’un certain « bon sens » voudrait faire admettre. Les exclus ne le sont pas parce qu’ils auraient des prédispositions psychologiques pour cela, mais parce que notre société rejette tous ceux qu’elle considère comme « inutiles », chômeurs, jeunes des banlieues, personnes âgées, femmes seules, handicapés, malades mentaux… « N’est-il pas scandaleux, s’interroge encore Patrick Declerck, de traiter de folie la souffrance des exclus ? Et cette manœuvre n’aurait-elle pas pour conséquence (voire pour but inavoué) d’absoudre la société de toute responsabilité, pour imputer celle-ci aux seules victimes ? »
Il est donc nécessaire de distinguer ce qui relève des pathologies produites par la rue de « l’authentique » maladie mentale. C’est ce que fait le docteur Michel Triantafyllou, médecin-chef du service psychiatrique de l’hôpital Max-Fourestier, à Nanterre. « Parmi les gens que m’envoie le centre d’accueil des sans-abri [le Chapsa 2], explique-t-il, 25 % sont atteints de dépression, 25 % de troubles phobiques et 30 % sont des psychotiques. Les troubles dépressifs peuvent très bien avoir été provoqués par le fait de se retrouver à la rue, les phobies ont généralement favorisé l’exclusion, mais les schizophrénies n’ont rien à voir avec la précarité. » Il s’agit donc bien de malades qui ont échappé au système de soins et qui sont à l’abandon. Ces estimations sont corroborées par d’autres spécialistes. Selon le docteur Alain Mercuel, l’actuel responsable du Smes, « 30 % des gens de la rue présentent de réels troubles psychiatriques ».
Pourquoi des malades mentaux se retrouvent-ils aujourd’hui dans la rue ou dans les foyers d’urgence des associations humanitaires ? Pour tenter de répondre à cette question, il faut s’arrêter quelques instants sur ce qui s’est passé dans le monde de la psychiatrie depuis une cinquantaine d’années. Celui-ci a été totalement bouleversé sous l’effet de deux facteurs. Tout d’abord, celui de la prise de conscience, après la guerre, de l’horreur de ce qu’était devenu l’asile, où l’on enfermait les gens durant leur vie entière. L’enfermement, loin de guérir, aggrave la maladie, la « chronicise » comme disent les psychiatres. Un formidable mouvement est donc né durant l’Occupation, lié à la Résistance, que l’on a appelé le « désaliénisme ». L’idée était qu’il fallait en finir avec l’asile, permettre aux fous de retourner dans la cité. Mais pour pouvoir le faire, il fallait placer au centre de la démarche thérapeutique les équipes - psychiatres, infirmiers, aides-soignants, psychologues – véritables pivots d’une politique de soins appliquée sur un territoire donné, le « secteur ». La maladie mentale ne se traite donc pas uniquement à l’hôpital – dont il faut repenser le fonctionnement – mais aussi dans la vie réelle avec des structures décentralisées ; avant, pendant et après la crise. Cette démarche pourrait être résumée par une belle phrase de Lucien Bonnafé, l’un des animateurs de ce courant : « Il faut, disait-il, utiliser le potentiel soignant du peuple… » Le secteur est aujourd’hui la structure de base de l’organisation psychiatrique française, mais ce n’est pas pour cela qu’il a été mis en œuvre dans l’esprit de ses concepteurs – même s’il a donné lieu à de passionnantes expériences.
Le deuxième facteur qui a bouleversé la psychiatrie, c’est l’irruption dès la fin des années 70, de l’ère des gestionnaires. En d’autres termes, on a commencé de « gérer » l’hôpital comme une entreprise. En vingt ans, on a ainsi supprimé des milliers de lits dans les hôpitaux psychiatriques, au nom – toute honte bue – de la nécessaire fin de l’asile. Mais les structures d’accueil imaginées par les fondateurs du secteur, malgré de réels efforts dans les années 80 – CMP, CATTP, CAT 3, hôpital de jour… - n’ont pas suffi pour accueillir ceux que l’on n’acceptait plus à l’hôpital. Au nom de la « bonne gouvernance », on a réduit les durées des séjours, on a supprimé le diplôme d’infirmier psychiatrique, on a confié de plus en plus les malades chroniques à la famille – qui supporte aujourd’hui une charge énorme – et au « social », pour ne pas dire à la charité.
Ce renversement a été rendu possible par la mise à bas de tout un travail théorique mené durant des dizaines d’années – l’expérience du secteur s’était nourrie des apports du marxisme et de la psychanalyse – au profit d’une vision « scientiste » de la maladie mentale, la réduisant, sous l’impulsion de la puissante psychiatrie américaine, à un dysfonctionnement du système nerveux ou à la génétique. Or, lorsque la psychiatrie dominante considère ses malades comme des cerveaux à traiter avec des médicaments, niant ainsi leur condition de sujet, ils créent les conditions de l’exclusion. Il ne s’agit pas ici de remettre en cause l’utilité de la chimiothérapie, encore moins celle des recherches effectuées sur le cerveau et le système nerveux, mais de poser la question d’une vision réductrice de la folie. Dès lors qu’un malade mental est considéré comme un simple objet, et non pas comme un être humain doté d’un psychisme, il n’est plus notre semblable. On peut dès lors le « traiter » chimiquement lorsqu’il présente un danger pour la société, et ensuite l’envoyer mourir – psychiquement ou réellement – dans un foyer sordide ou dans la rue. Ce qui s’appelle tout simplement une atteinte aux droits de l’homme.
Article vraiment très intéressant.... arggggggggg tu m'énerve lol tu as toujours des choses supers :( snif ! lol Je te taquine !!
RépondreSupprimerpour une fois que je vois ecrit noir sur blanc ce que je pense et me tue à dire sans etre entendue!!!!
RépondreSupprimerle sordide de la gestion de l'Homme comme simple unité de base de la finance n'en est qu'a son balbutiement en france et en europe!!