maladies iatrogéniques

Quel est le point commun entre les professions médicales, les psy et les services sociaux ? Leur vocation c’est de venir en aide à autrui  soit en soignant une défaillance psychologique soit en apportant une aide administrative.Il arrive que cette aide produise l'effet inverse, avec des conséquences plus ou moins graves.
Le médecin peut  administrer un traitement inadapté à son patient, provoquant ainsi des  lésions irreversibles.Le thérapeute qui fait naitre  de faux souvenirs traumatisants. C'est ce qu'on appelle des maladies iatrogéniques : causées par le médecin.
Dans le social aussi, des troubles iatrogéniques peuvent naitre.
A trop voir les institutions sociales cela peut  parfois être néfaste, (les foyers d'hébergement).
Prenons un individu lambda qui  dégringole  c est classique : perte d'emploi suite à un licenciement économique, divorce, perte de logement, il appelle le 115 pour ne pas dormir dans la rue.
Il suffit de peu pour que cette personne dans un univers collectif permanent ploie sous les pressions tenaces (contre lesquelles on s'efforce de lutter pourtant). Psychologiquement fragilisé par les événements, à côtoyer quotidiennement des gens qui ont abandonné tout espoir et n'ont d'autre quotidien que de vider quelques bouteilles entre compagnons d'infortune.
L'image parait stéréotypée, et pourtant peut être pas  si éloignée de la réalité. Le rôle pathogène des structures d'hébergement est bien connu, la lutte est quotidienne. Comment ne pas commencer à boire quand on est entouré d'alcooliques ? Question pas plus facile que de savoir comment arrêter dans un tel environnement.
Un lieu de vie collectif où l'on n'est finalement seul que sous la douche  n'est pas un cadre de vie sain permettant de se reconstruire pour repartir dans la vie, sauf si on a la chance d'y rester que peu de temps, le provisoire devient alors vite définitif. La présence continue des autres devient vite un calvaire.
Que ce soit le bruit, le sentiment d'insécurité provoqué par des actes de violence, le fait de voir son voisin de chambre délirer, ou d'être confronté en permanence à des situations de grande misère, les nerfs de chacun sont soumis à rude épreuve, ce qui conduit dans beaucoup de cas à la naissance de troubles psychologiques.
Le rôle des travailleurs sociaux n'est pas à négliger dans cette question. Face à un public très fragile, le réflexe de facilité est l'infantilisation. Face à la détresse, il est plus confortable de faire à la place des gens que de les aider à  faire les choses. Remplir les papiers, gérer les comptes, prendre les rendez vous, accompagner, rappeler de faire une lessive.
Enlever à quelqu'un le devoir de gérer son existence par lui-même, c'est lui faire croire inconsciemment puis lui suggérer qu'il n'en est pas capable. Or, pour une grosse majorité des personnes, il est évident qu'elles le sont.
Leur laisser entendre, même involontairement, qu'elle n'ont plus l'aptitude de gérer leur quotidien amène souvent à des pertes de confiance en soi. Le travail est d'amener les gens à  se rappeler qu'ils ont les ressources nécessaires pour mener une vie « normale », les encourager dans leur démarches.
Lors de mes lectures sur ce sujet glanées sur internet, je me suis demandé pourquoi certaines personnes, n'ayant pas de troubles apparents lors de leur vie à  la rue, développaient rapidement une maladie mentale dans les centres d'hébergement : ce serait parce que trouver un moyen de survivre (trouver un abri, de la nourriture ) serait la seule chose qui leur permettrait de ne pas céder à  la décompensation (rupture menant à  l'apparition d'un trouble psychique).Donc une fois pris en charge par les services sociaux, et donc les besoins primaires comblés, l'esprit n'a plus à  se focaliser dessus et peut se permettre de tomber malade. 
Patrick Declerck en parle bien dans ses livres. " les Naufragés " 
Tous les ingrédients du cocktail explosif sont réunis : une période de grande fragilité, le poids d'un environnement collectif, la présence infantilisante des travailleurs sociaux. Secouez le tout et observez : combien sont ceux qui parviennent à  rester  la tête hors de l'eau ?
Evidemment, certains y arrivent et ne gardent que peu de séquelles de leur passage en foyer. C'est tant mieux. Mais il serait nécessaire de réfléchir à  une nouvelle organisation de l'hébergement, qu'il s'agisse de sans-abris, pour trouver comment annihiler les effets iatrogéniques des institutions ?

1 commentaire:

  1. Je trouve cet article très intéressant, j'ignorais cela et je t'en remercie de m'avoir ouvert les yeux sur ça. Très bon article, continue.

    Ta lectrice

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